L’inceste : du tabou aux tribunaux

Le rapport 2023 de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE), créée en mars 2021, met en lumière le nombre alarmant de cas incestueux en France.

5,4 millions de personnes auraient été victimes de violences sexuelles avant l’âge de 18 ans et 160.000 enfants subissent chaque année de telles violences, soit un toutes les trois minutes.

Selon la CIIVISE, plusieurs constantes sont notables :

  • Les violences débutent très tôt, dès l’âge de 7 ou 8 ans.
  • Elles sont répétées et durables. Ainsi, dans 86 % des cas, les agressions sont multiples, et dans 25 %, elles se prolongent sur plus de cinq ans.
  • 97 % des auteurs sont des hommes, souvent socialement intégrés, proches de l’enfant et exerçant une forme d’autorité.

Les répercussions sur les enfants sont considérables et peuvent se manifester par des troubles anxieux ou dépressifs, des conduites à risque, des troubles alimentaires, des difficultés relationnelles ou sexuelles, allant jusqu’à un effondrement identitaire.

Il est important d’être vigilent et de demeurer attentif aux changements de comportement de vos enfants car souvent, le silence de l’entourage et une faible réponse judiciaire aggravent la détresse des victimes.

Seules 13 % des victimes révèlent les faits au moment où ils se produisent et moins de 3 % des plaintes aboutissent à une condamnation.

Qu’est-ce que l’inceste ?

La loi du 14 mars 2016, relative à la protection de l’enfant, a réintroduit la circonstance aggravante d’inceste dans le Code pénal, en la définissant plus clairement, sans en faire une infraction autonome.

Désormais, les articles 222-22-3 et 227-27-2-1 du Code pénal qualifient d’incestueux les viols, agressions ou atteintes sexuelles commis par :

  • Un ascendant
  • Un collatéral : un frère, un sœur, un oncle, une tante, un grand oncle, une grande tante, un neveu ou une nièce
  • Le conjoint, concubin ou partenaire de PACS de l’un d’eux, exerçant une autorité de droit ou de fait sur la victime

Cette nouvelle rédaction a permis d’inclure des situations jusque-là exclues, comme les violences sexuelles commises sur un majeur, ou celles commises par un collatéral sans autorité.

Ce n’est que depuis la loi du 21 avril 2021 que le droit pénal reconnaît deux incriminations autonomes d’inceste, lorsque les faits sont commis sur un mineur :

  • L’agression sexuelle incestueuse sur mineur (article 222-29-3 du Code pénal)
  • Le viol incestueux sur mineur (articles 222-23-2 et 222-29-3 du Code pénal)

Pour ces deux infractions, la contrainte, la violence, la menace ou la surprise n’ont pas besoin d’être démontrées puisqu’elles sont présumées du seul fait du lien familial et de l’autorité exercée par l’auteur des faits.

Quelle protection en cas d’inceste ?

En complément des avancées pénales, le droit civil a récemment été renforcé pour mieux protéger les enfants victimes d’inceste ou de violences intrafamiliales.

La loi du 18 mars 2024 introduit dans le Code civil plusieurs mesures protectrices :

1.   La suspension automatique de l’autorité parentale ainsi que des droits de visite et d’hébergement, dès la mise en examen pour inceste ou pour tout crime commis sur l’enfant ou l’autre parent.

2.   Le retrait total de l’autorité parentale en cas de condamnation, sauf décision spécialement motivée du juge aux affaires familiales.

3.   La création d’un nouveau cas de délégation forcée de l’autorité parentale : l’ASE ou la personne recueillant l’enfant peut prendre les décisions importantes lorsque l’autre parent n’a plus l’autorité parentale, est décédé, ou en l’absence de lien juridique.

Ce dispositif vise à protéger l’enfant dès le stade de la procédure judiciaire, en limitant les risques d’emprise, de pressions ou de rétention abusive de l’autorité parentale.

Le conseil de Maître Gonzalez-Garcia : si vous soupçonnez un membre de votre famille de commettre des infractions de nature sexuelle sur votre enfant, il ne suffit pas de ne plus lui présenter l’enfant. Couper les liens est certes une mesure protectrice mais il est nécessaire de légitimer cette action par une décision du juge. Il conviendra de saisir un juge aux affaires familiales en urgence, par la voie du référé, en parallèle des démarches sur le plan pénal.

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Prendre rendez-vous au 04.78.65.03.92

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